Dans le cadre de sa campagne visant à mettre en lumière le rôle essentiel des archivistes et gestionnaires de l’information, Aksoni a souhaité donner la parole à celles et ceux qui, chaque jour, travaillent au cœur des archives publiques.
Qu’ils traitent des données administratives, organisent des flux d’information numériques ou préservent des documents anciens, tous partagent un lien étroit avec ces traces matérielles et immatérielles qui structurent notre vie collective.
Car les archives publiques ne racontent pas seulement le passé : elles permettent aussi de gérer le présent, d’assurer le suivi des décisions, de garantir les droits des citoyens et de soutenir la transparence des institutions.
À travers les témoignages de différents services d’archives et centres documentaires, se dessine une même réalité : les archives sont un levier de bonne gouvernance, un outil indispensable autant pour comprendre hier que pour agir aujourd’hui.
Ces « coups de cœur » illustrent non seulement la richesse des fonds conservés, mais aussi l’engagement quotidien de celles et ceux qui veillent à leur organisation, leur accessibilité et leur pérennité.
1. Des réquisitions à l’indemnisation : le coup de cœur de l’archiviste de la Ville de Nivelles
Pour inaugurer cette série, direction Nivelles, où l’archiviste Margaux Blétard nous présente un fonds d’archives témoignant d’une période aussi complexe que fascinante : les réquisitions militaires durant la Seconde Guerre mondiale.
Quand tout peut être réquisitionné… même les vélos
Les réquisitions militaires sont un mécanisme par lequel l’État, ou une armée d’occupation, s’approprie temporairement ou définitivement un bien contre indemnisation. En Belgique, la loi du 12 mai 1927 fixe les règles : les demandes doivent passer par le Collège des Bourgmestre et Échevins, garant de leur application et du dédommagement des citoyens.
Ce système reste en vigueur sous l’occupation allemande (1940–1944), où les réquisitions concernent tout ou presque : terrains, véhicules, linge, chevaux, bois de chauffage… et même la réparation d’instruments de musique ! Mais la législation n’empêche pas les abus.
Margaux cite ainsi le rapport du Commissaire de Police du 11 juin 1940 relatant la fouille nocturne de l’Hôtel de Ville, au cours de laquelle des soldats allemands repartent avec un simple vélo. Un pillage pourtant interdit, comme le rappelle une lettre du 11 juin 1942 du ministère des Finances exhortant les bourgmestres à dénoncer tout excès.
« Les documents issus des réquisitions allemandes sont intéressants pour plusieurs raisons. Ils permettent de comprendre les relations entre les autorités occupantes et occupées, mais également entre les différentes institutions belges durant l’occupation. Ils représentent un témoignage pertinent de la vie quotidienne sous l’occupation, mais aussi après la Libération, notamment d’un point de vue économique, comme en témoigne une lettre du 23 septembre 1941 de la Kreiskommandantur de Nivelles qui annonce une régulation des prix pour les services de traduction des dossiers de demande d’indemnité. Au-delà de l’aspect historique, ces archives représentent un exemple de l’importance des documents pour défendre les droits de chacun, même en cas de conflit armé. »
Au-delà de la dimension historique, ce dossier illustre la valeur civique des archives. Chaque formulaire, chaque lettre rappelle que la documentation est aussi un moyen de garantir la justice et la mémoire collective.
« C’est ce que j’aime dans ce métier : retrouver des informations qui ont du sens, qui aident les gens. On se rend compte que le travail d’archives touche directement la vie des citoyens. », confie l’archiviste.
Les Archives de la Ville et du CPAS de Nivelles : un jeune service au cœur de la gouvernance de l’information
Créé en 2024, le service des Archives de la Ville et du CPAS de Nivelles compte 1,5 équivalent temps plein. Ses missions couvrent la réception, le tri, la conservation et la communication des documents produits par les services communaux et le CPAS. L’équipe veille aussi à la conformité légale de l’accès aux documents, à la sensibilisation du personnel et à la bonne gestion des archives numériques.
Parmi les défis quotidiens, l’archiviste cite la charge de travail et la pédagogie autour de ce qu’est réellement un document d’archives.
« Nous travaillons à faire comprendre que les archives ne sont pas qu’un stockage du passé, mais un outil vivant, indispensable à la bonne gouvernance et à la transparence. »
Le grand projet en cours : améliorer la gestion documentaire numérique. Une politique de gestion de l’information est en voie de finalisation et devrait devenir un outil de sensibilisation à part entière.
Changer le regard sur les archives
Les mentalités évoluent peu à peu.
« Quand je suis arrivée, certains pensaient que les archives étaient inutiles, voire qu’il valait mieux les brûler », raconte l’archiviste. « Aujourd’hui, quand on retrouve un document qui résout un problème administratif, on constate un changement de leur conception de l’archivage. »
Grâce à ce travail patient, et en collaboration avec le Délégué à la Protection des Données, le service nivellois participe activement à une prise de conscience : les archives ne sont pas un fardeau administratif, mais une ressource vivante, garante de la mémoire et des droits.
2. Le Centre des connaissances du SPF Finances : au cœur de l’expertise et du partage
Derrière les lois, les chiffres et les procédures fiscales, il existe une communauté passionnée qui veille, analyse et transmet. Le Centre des connaissances du SPF Finances en est l’expression la plus visible. À la fois portail d’information (FISCONETplus) et bibliothèque spécialisée, il constitue un pilier essentiel de la documentation juridique et fiscale belge.
Un centre au service de la connaissance
Le Centre fait partie de l’Administration générale Expertise et Support stratégiques, un nom un peu long pour une mission claire : fournir des analyses, rédiger et suivre les textes législatifs, et assurer leur coordination avec les entités fédérées ou européennes.
« En résumé, nous accompagnons les projets de loi de leur conception à leur publication et veillons à leur cohérence dans l’ensemble du paysage fiscal », explique Luc Joosten.
Une bibliothèque ouverte à tous et toutes
Nichée dans un espace lumineux et moderne, la bibliothèque du SPF Finances est un lieu d’étude et de curiosité, accessible aussi bien aux agents du SPF qu’aux citoyens. Ses collections sont d’une richesse impressionnante : fiscalité, droit, économie, mais aussi sciences humaines et management.
FISCONETplus, le portail de référence
Entièrement digital, FISCONETplus met à disposition plus de 300 000 documents : textes légaux, circulaires, commentaires administratifs…
Il existe en deux versions une version externe, accessible à tous via MyMinfin, et une version interne, réservée aux agents du SPF, qui offre une bibliothèque numérique enrichie, des revues spécialisées et des bases de données externes.
Véritable outil quotidien, FISCONETplus accompagne des milliers de professionnels de la fiscalité dans leur travail de recherche et d’interprétation.
Une veille à la pointe de l’actualité
Le Centre des connaissances ne se contente pas d’archiver et de diffuser : il observe et anticipe. Depuis quelques années, l’équipe développe une veille thématique et publie des fardes documentaires sur des sujets d’actualité : cryptomonnaies, économie collaborative, crowdfunding, et plus récemment l’e-facturation — un dossier remarqué par la presse financière, notamment la revue Trends.
FISCONETplus est en effet le seul site fiscal et juridique gratuit disponible en français, néerlandais, et parfois aussi en allemand et en anglais.
Une équipe plurilingue et pluridisciplinaire
La direction est bilingue à 50/50, et chacun fait l’effort de parler la langue de l’autre. Les profils sont variés : économistes, juristes, documentalistes… tous animés par le goût de la rigueur et de la transmission.
Le mémento fiscal : un document phare
S’il fallait choisir un document emblématique du Centre, ce serait le Mémento fiscal. Cette publication, régulièrement mise à jour, présente une synthèse claire et chiffrée de la fiscalité belge, tant fédérale que régionale.
Un centre ouvert et tourné vers l’avenir
Le Centre des connaissances ne se ferme à personne : il accueille volontiers stagiaires et visiteurs et reste à l’écoute des besoins exprimés par le public.
Entre tradition documentaire et innovation numérique, il illustre parfaitement le rôle des institutions publiques dans la diffusion du savoir au service de tous.
Vous souhaitez lire les deux autres articles « coups de cœur » ? Ils sont disponibles ici : archives privées et utilisateurs.trices


