Ce lundi 31 juillet, plusieurs médias relaient une information importante concernant la gestion des archives judiciaires. Nous pouvons lire notamment qu’à l’avenir, les archives papier des Cours et des Palais de Justice vont peu à peu disparaitre. En effet, une proposition de loi du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a été approuvée ce 20 juillet par le Conseil des Ministres. Elle a pour objectif d’adapter le cadre légal à la digitalisation de la Justice et cela concerne entre autres les archives.
Lors d’une visite de presse au Palais de Justice de Bruges, le ministre de la Justice s’est notamment exprimé à ce sujet :
« À partir du 1ᵉʳ janvier 2024, grâce à une nouvelle loi, les archives devront être conservées sous forme numérique. Les archives comme celle-ci, ici à Bruges, appartiendront progressivement au passé », dit-il face aux archives sous format papier[1].
Le reportage dépeint une situation alarmante pour les archives papier : des kilomètres d’archives s’entassant à même le sol, des sous-sols regorgeant d’archives, une conservation dans des conditions difficiles (humidité, moisissures, etc.) et un manque de place. Pour rappel, ces dernières doivent parfois être conservées légalement jusqu’à trente ans.
« Les archives papier posent des problèmes parce qu’elles prennent beaucoup de place. À Bruges, il y a quatorze kilomètres d’archives ; dans tout le pays, des centaines. Cela génère des coûts supplémentaires. Le personnel a du mal à faire des recherches. Il y a des risques d’incendie et d’infiltration d’eau », explique le Ministre de la Justice[2]
La nouvelle loi, qui devrait entrer en vigueur en 2024, viendrait répondre à ces difficultés en obligeant la conservation de ces documents sous format numérique.
En tant que fédération professionnelle du secteur, l’Association des archivistes francophones de Belgique (AAFB) attire l’attention sur la numérisation des archives. Si cette dernière apporte des avantages évidents tels qu’un gain de place et une accessibilité plus aisée aux documents, elle a également à contrario des contraintes non négligeables et pas toujours visibles au premier abord. La digitalisation n’est pas forcément une solution miracle et implique :
- Des coûts matériels importants pour la conservation et la maintenance
- Une attention à la pérennité du support et des formats numériques
- La mise en place de moyens humains suffisants : tout comme la gestion d’archives papier, il est nécessaire que des archivistes et gestionnaires de l’information puissent garantir les conditions optimales de gestion et conservation des archives.
- Une gestion des risques liée aux pertes d’information et aux cyberattaques
- Une empreinte environnementale importante
- Une formation des producteurs
Afin de rendre effectif ce passage aux archives numériques, il convient dès lors de prendre conscience de l’ensemble de ces contraintes. Dès lors, le projet de loi ne devrait pas obliger la conservation numérique. En effet, il peut être contre-productif de numériser des archives existant déjà sous format papier si ces dernières ne sont par la suite pas consultée régulièrement. Les coûts de la gestion du numérique seraient supérieurs à ceux des archives papier. Néanmoins, encadrer la gestion des archives nativement électronique semble toutefois indispensable. Pour se faire, ne serait-il pas judicieux de prévoir une révision de la loi des archives de 1955 (modifiée en 2009) pour intégrer l’évolution du contexte technologique dans lequel nous vivons[3] ?
Par ailleurs, la situation des archives judiciaires en Belgique pourrait être meilleure si les politiques avaient pris à leur juste valeur l’importance des archives. En effet, toute gestion documentaire quelle qu’elle soit implique une véritable ambition politique afin de déployer les moyens matériels et humains nécessaires.
N’ayant pas eu accès à la proposition de loi, l’AAFB n’a pas la capacité d’évaluer l’ensemble des conséquences de cette proposition de loi. C’est pourquoi, nous souhaiterions donc être consultés sur ce dossier.
[1] https://www.rtl.be/page-videos/belgique/societe/justice-la-digitalisation-des-dossiers-est-en-cours/2023-07-31/video/574138
[2] https://www.lesoir.be/528543/article/2023-07-31/du-changement-annonce-pour-les-archives-judiciaires
[3] Voir la revendication n°9 du mémorandum 2019-2024 : pour une mutation digitale réussie, https://www.archivistes.be/_files/ugd/0f8d31_9e124c291e82452d97fc6f3f8f164d2b.pdf