Chères et chers collègues,
L’heure est grave pour notre secteur. Nous sommes confrontés à des menaces sur tous les fronts, qu’il s’agisse des archives publiques, privées ou des enjeux numériques qui transforment nos pratiques. Si nous n’agissons pas ensemble, il est fort à parier que nous verrons se dessiner un futur où nos métiers seront considérés comme superflus, ou encore pire, absents du paysage institutionnel et économique.
Notre secteur est en danger à tous les niveaux de pouvoirs.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, après de longs mois de négociations ardues, l’AAFB a réussi à arracher un nouveau décret pour les centres d’archives privées. Un bel acquis sur le papier, mais en réalité, ce décret n’a aucune couverture budgétaire. Aucune ligne de financement n’a été prévue, ce qui met en péril l’avenir de nombreux centres d’archives privées. Sans intervention rapide, nous risquons des pertes d’emplois massives et des fermetures de centres à court terme.
Du côté des archives publiques, que ce soit en Région wallonne ou en Fédération Wallonie-Bruxelles, le constat est tout aussi alarmant et n’émeut guère le monde politique ou les autorités administratives. Il manque cruellement de moyens, de mandats clairs et d’une politique cohérente de collecte, de préservation et de valorisation des archives. L’absence d’arrêtés d’application, la confusion des responsabilités pour les OPI et autres institutions parapubliques, sont autant de facteurs qui contribuent à une gestion défaillante du patrimoine informationnel public.
À l’échelle fédérale, les annonces récentes de coupes budgétaires dans les institutions scientifiques augurent des heures sombres pour les Archives de l’État. Déjà largement endettée, cette institution n’a ni les moyens de remplir ses missions premières, ni la capacité d’assurer son avenir si cette tendance se confirme.
Dans les provinces et les communes, trop peu d’archivistes sont engagés, et la tendance s’aggrave avec les restrictions budgétaires. Le manque de ressources humaines et matérielles met non seulement en péril l’avenir des archives locales, mais il affecte également la pérennité de l’ensemble du système d’archivage dans un environnement hybride encore souvent mal maitrisé.
Dans le secteur privé, la situation n’est pas meilleure. L’archivage est souvent vu comme un luxe ou un coût inutile, relégué au second plan au profit de priorités jugées plus «rentables » comme la sécurité des données, le RGPD, ou les technologies d’analyse de données. Nos métiers souffrent de clichés réducteurs (utilité patrimoniale exclusive, gestion des papiers anciens, etc.), et la concurrence avec d’autres acteurs ne fait qu’amplifier ce constat.
Nous sommes à un moment charnière.
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est l’avenir même de notre profession, de nos emplois, de notre utilité dans la gouvernance de l’État et dans la préservation de notre mémoire collective. Si nous ne faisons pas front commun, ce sont tous nos efforts, toute notre expertise et notre contribution fondamentale à la démocratie qui risquent de disparaître.
Croire que certains secteurs seraient épargnés par cette crise ou survivraient sans solidarité est une illusion. La seule solution face à cette dérive, c’est l’unité. L’union fait la force. Si nous restons chacun dans notre coin, si nous ne travaillons pas ensemble à la défense de notre secteur, nous perdrons tous, sans exception.
Nous devons nous mobiliser et travailler ensemble !
L’union entre les archivistes, les gestionnaires de l’information, les records managers est essentielle. C’est dans la coopération et la mutualisation de nos efforts que nous pourrons espérer faire entendre notre voix et peser dans les décisions. Des projets d’envergure, comme la mise en place de systèmes de préservation numérique, l’archivage des réseaux sociaux et du web, ou encore les enjeux écologiques liés au stockage des données, sont autant d’opportunités de mutualisation de nos efforts permettant de renforcer notre profession. Ces défis technologiques et environnementaux imposent plus que jamais des solutions collectives.
Concrètement, nous avons deux actions à mener d’urgence :
- La récolte de chiffres précis : pour objectiver nos demandes et montrer l’ampleur des menaces, nous avons besoin de données Ce sont ces chiffres qui permettront de convaincre les mandataires politiques, les autorités publiques et les institutions de l’urgence de la situation. Vous recevrez très prochainement un lien vers un formulaire pour nous aider en ce sens.
- La participation à une action de sensibilisation : unir nos forces pour organiser une journée de mobilisation à l’échelle Il est crucial de faire entendre notre voix, de montrer que nous sommes un corps de métier cohérent, uni et déterminé à défendre notre avenir. Surveiller votre boite mail pour suivre cette action qui va nécessiter l’implication et le suivi de tout le secteur.
Nous avons une seule chance de préserver notre secteur, de faire en sorte que notre expertise et notre savoir-faire restent au cœur des processus décisionnels. Cette mobilisation doit être générale et immédiate. Si nous attendons, il sera trop tard.
Faisons entendre notre voix. Ensemble, nous pouvons changer la donne.
Florian DELABIE, président de l’AAFB
#ArchivistesPourDemain
Illustration de Camille Lacroix