L’AAFB fait partie des dix organisations qui interpellent ce lundi 12 juin dans un communiqué sur les risques et les déficiences du projet de loi sur la transparence des autorités fédérales. Dans le communiqué conjoint ci-dessous, nous proposons six points pour une véritable transparence administrative au niveau fédéral, à l’avant-veille de la reprise des travaux en commission de l’Intérieur de la Chambre sur le projet de la ministre Verlinden.
Prochains débats en Commission Intérieur de la Chambre : 14 juin 2023
Pour se conformer aux recommandations du GRECO, le groupe d’Etats contre la corruption, la ministre de l’Intérieur a proposé un projet de loi qui modifie la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.
Ce projet de loi ne va pas assez loin, comme l’ont analysé le 23 mai dernier devant le Parlement fédéral différents organismes et représentants de la société civile.
Pour en faire un levier efficace de transparence, les associations plaident pour que le texte soit complété par des mécanismes qui ont fait leurs preuves dans les Régions et pour que plusieurs exceptions soient levées, comme celles qui touchent les cabinets ministériels ou encore celles portant sur un procès civil ou administratif.
Nous, organisations de la société civile, demandons au Gouvernement fédéral et à la Chambre des Représentants d’apporter les modifications nécessaires au projet de loi sur la transparence des autorités fédérales afin de renforcer l’effectivité du droit d’accès aux documents administratifs conféré par l’article 32 de la Constitution.
Nos demandes portent principalement sur les points suivants :
1- Suppression du motif d’exception obligatoire et absolu visant les documents détenus par les cabinets ministériels qui portent sur « l’exécution d’une stratégie politique ». Cette exception limite drastiquement la transparence des documents détenus par les cabinets ministériels. Elle vide de sa substance le principe même de l’ajout des cabinets ministériels dans le champ d’application de la publicité comme recommandé par le GRECO, l’organe anticorruption du Conseil de l’Europe. Le Conseil d’état dans son avis 72.732/2 du 30 janvier 2023 se questionne également sur l’utilité de ce motif d’exception tant les exceptions à la publicité actuellement présentes dans la loi sont manifestement suffisantes.Nous demandons également de mettre en œuvre les mesures appropriées pour garantir qu’après la fin d’une législature, tous les documents des ministres et secrétaires d’état restent disponibles avec un niveau de publicité adéquat, conformément aux normes de transparence applicables.
2- Suppression de l’exception visant les documents relatifs à des procédures civiles ou administratives en cours. Là encore, nous estimons que cette exception obligatoire absolue est disproportionnée. Elle porte manifestement atteinte au droit des journalistes et des citoyens de rechercher et de diffuser des informations (art. 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme).Ces deux motifs d’exception sont de nature à éroder le droit constitutionnel d’accès aux documents administratifs.
3- Doter la Commission fédérale d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) d’un pouvoir de réformation. Que ce soit à Bruxelles, en Wallonie, en Flandre ou au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, toutes les CADA du pays ont été dotées d’un pouvoir décisionnel par les législateurs des entités fédérées. Le caractère consultatif de la CADA fédérale n’est clairement plus à la hauteur de l’enjeu de la transparence dans une société contemporaine.Une CADA qui émet de simples avis ne permet pas d’assurer l’effectivité du droit d’accès aux documents administratifs conféré par l’article 32 de la Constitution.
4- Introduction d’une procédure accélérée pour les demandes qui revêtent un caractère urgent. Dans certaines situations, le droit d’accès aux documents administratifs se trouve limité par les délais de transmission des documents et de recours. On pensera par exemple aux demandes introduites par des journalistes dans le cadre de leur mission d’information ou encore les demandes effectuées en vue de répondre à une enquête publique.Pour répondre à cette problématique, la Région bruxelloise a introduit dans sa législation sur la publicité de l’administration, la possibilité de requérir l’urgence afin de voir les délais de transmission des documents et de recours réduits. Nous demandons qu’un mécanisme similaire soit introduit dans la législation fédérale.
5- Renforcement de la publicité active. La Belgique a été classée à la 119e place sur 136 dans le classement international RTI sur le droit à l’information (1) derrière le Kazakhstan et l’Arabie Saoudite. Un classement peu flatteur basé sur l’analyse de la solidité du cadre juridique du droit d’accès à l’information. En matière de publicité active, nous demandons que le législateur fasse preuve de plus d’ambition en s’inspirant, par exemple, de la publicité active à Bruxelles et son site openbudgets.be.brussels qui permet de rechercher les subsides, factures et marchés publics de la Région bruxelloise.Au niveau fédéral ces documents sont déjà disponibles dans des bases de données (FedCom, BOSA, e-procurement, Chancellerie, etc.). Factures de dépenses des autorités, avis des Inspecteurs des finances, dossiers du conseil des ministres, subventions et aides octroyées, études et marchés publics avec le cahier des charges : ces documents peuvent être aisément mis à disposition du public sur un site avec un moteur de recherche pour en faciliter la consultation.Nous demandons également qu’un cadastre des banques de données disponibles soit réalisé afin d’élargir la liste de documents accessibles en publicité active/open data, comme c’est déjà le cas dans plus de 80 pays (2).
6- Elargissement des instances administratives soumises à la publicité. Des organismes comme la Chambre des Représentants, la SMALS, etc. échappent actuellement à la publicité de l’administration. Le manque de transparence de ces organes n’est pas acceptable. Nous demandons un élargissement et une clarification des autorités concernées par la loi sur la publicité de l’administration afin de couvrir l’ensemble du spectre de l’action publique.
La transparence construit la confiance.
(1) https://www.rti-rating.org/country-data/(2) Voir l’indicateur n°58 du classement RTI : « Les pouvoirs publics sont tenus de créer et de mettre à jour des listes ou des registres des documents en leur possession et de les rendre publics » https://www.rti-rating.org/country-data/by-indicator/58/
12 JUIN 2023 – COMMUNIQUE CONJOINT DE
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